De temps en temps,
parfois pour de longues périodes de temps, nous sommes confrontés à un
endroit de blocage dans notre pratique spirituelle du Dhamma. Il s’agit
en fait d’un blocage dans notre processus de vie, d’une fixation opérée
à partir de présomptions erronées et/ou de sentiments non résolus. Cela
étant, plus ça coince et plus cet endroit de blocage représente un défi
par rapport à nos préconceptions sur nous-mêmes, sur notre pratique
spirituelle, sur notre contexte de vie et sur notre entourage. Tout un
chacun fait l’expérience de ce genre de situation de temps à autre, à
des degrés d’intensité plus ou moins élevés. Lorsque l’on a une pratique
du Dhamma, l’endroit de blocage est un endroit pour apprendre,
l’enseignement à retirer ne pouvant pas résulter d’une perspective non
éclairée. C’est un endroit de lâcher-prise, un endroit où l’abandon de
soi doit être soigneusement maintenu pour être efficace. Nous ne nous
rendons pas toujours compte de cette nécessité jusqu’à ce que ce blocage
– se dérobant à notre tentative de s’en débarrasser ou de l’interpréter
– nous conduise à une ‘limite’. Cette limite est la limite de notre soi
– au-delà duquel nous sommes incertains et au-delà duquel nos
présomptions d’avoir le contrôle tombent. Lorsque nous arrivons à cette
limite, le mental s’en détourne si rapidement que soit nous faisons
autre chose ou alors nous opérons un transfert. Il y a transfert
lorsqu’une circonstance ou un contexte est rendu responsable de cette
sensation perturbée : c’est ainsi que cette impression de dissonance et
de perturbation est reportée sur la situation dans laquelle nous nous
trouvons. ‘Il m’est impossible de pratiquer compte tenu de la façon dont
je suis traité ou perçu par les autres’.
Le blocage peut
donc sembler se manifester autour de nous : d’autres personnes ne se
comportant pas comme ils le devraient, d’autres personnes n’étant pas
suffisamment capables – cet orgueil qui estime avoir la compétence et le
besoin de juger autrui. Mais cette compulsion à juger, à comparer et à
engendrer de la souffrance tout en croyant que cela est vrai et
nécessaire est une indication que quelque chose de plus primaire est
entrain de se produire ici : la compulsion n’est pas un processus
rationnel. Parfois le jugement reste en circuit fermé : il y a cette
impression que l’on est fondamentalement incapable, fondamentalement
imparfait. C’est un orgueil négatif, un orgueil qui affirme ‘Je suis
cela’, cette incapacité. Ensuite le mental part dans tous les sens ‘Eh
bien, suis-je comme cela ? Que puis-je faire par rapport à cela ?’. Il
se peut que ce type d’agitation puisse aller en progressant de telle
sorte que nous devons faire quelque chose pour nous sentir capable à
nouveau, confortable à nouveau. Le blocage nous propulse dans des
activités qui le justifie comme le ‘soi personnel’. La recherche de soi
est une activité compulsive – soit sankhara – qui se diffuse et se
disperse – ce qui s’appelle papanca. Cela diffuse et disperse la
conscience vers l’extérieur, sur les multiples qualités et défauts de
personnes et de choses comme le bouddhisme, les différentes lignées, les
différentes pratiques spirituelles et ainsi de suite. Ou intérieurement :
en analysant notre caractère, notre cœur, notre histoire, notre passé,
nos défauts et nos qualités. Cela se transforme en quelque chose de
dense et de rigide ; un morceau de substance sur la défensive qui
renforce notre besoin figé d’être quelqu’un qui est quelque chose.
L’endroit de
blocage peut se manifester dans le cadre de la routine journalière. Le
fait de rendre service selon un schéma habituel préétabli peut servir de
terrain de mise à l’épreuve : nous pouvons nous rendre compte que nous
ne sommes plus autant spontanés, que nous nous sentons plus au top
niveau ou alors que nous avons l’impression que notre potentiel de
développement futur est limité. Il s’agit de programmes qui nous amènent
jusqu’aux limites de notre soi individuel – et nous n’apprécions pas
cela. Endosser des responsabilités peut nous amener à une limite
d’incertitude quant à notre propre valeur : ‘ Suis-je assez bon,
compétent ; les gens m’approuvent-ils .’ La limite est un endroit où
nous n’allons pas normalement. La pratique du Dhamma, plutôt qu’un signe
de statut, est avant tout faite des devoirs et rôles qui y ont trait.
Ceci parce qu’il peut se produire une ouverture capitale et une
réalisation pour toute personne qui arrive à sa limite et qui réussit à
cheminer au-delà de celle-ci : c’est seulement là que le nœud de la
fixation sur le ‘soi individuel’ peut se défaire. Les relations avec les
autres peuvent aussi représenter un défi par rapport à qui nous croyons
être. Ainsi, dans la vie de la Sangha, il est important de maintenir un
sens d’engagement envers les autres, envers un endroit, envers une
routine, envers une pratique spirituelle même si cela ne correspond pas
toujours à nos vœux personnels ; et d’avoir réussi à préserver la
confiance et la foi en chacun d’entre nous même si nous ne nous sentons
pas toujours parfaitement à l’aise les uns avec les autres. Il y a
toujours un peu de gêne, d’anxiété, de dissonance, de souffrance ou
quelque chose. Mais l’engagement n’est pas vis-à-vis des gens, d’un
endroit ou d’une routine en tant que tels mais parce que cet engagement
produit un effet de levier contre notre façon de tenir les choses, notre
besoin de faire fonctionner les choses ‘de ma façon’. Cela nous amène à
notre limite tout en nous demandant de trouver de nouvelles ressources :
de devenir plus grands que nous-mêmes, plus grands que notre confort,
notre bonheur, notre efficacité et notre intelligence. La limite est
l’endroit où il est possible non seulement de prendre conscience de
l’aspect limité des conditions internes et externes mais encore de se
détendre en quelque sorte jusqu’au-delà de nous-mêmes.
Ce Dhamma est basé
sur le lâcher-prise, sur la foi que ceci constitue la voie et la
réalisation. C’est juste cela, cette capacité d’être le lâcher-prise,
l’ouverture totale. Et ce Dhamma est axé sur ce qui surgit à l’instant
présent et non pas sur une immense masse conglomérée. Il est basé sur ce
qui se présente ici et maintenant. Dans ce contexte, le blocage paraît
constituer une plus grande entrave à franchir que tout défaut
particulier, qu’un obstacle ou encore qu’une souillure, parce qu’il nie
tout à la fois le sens de lâcher prise ainsi que le sens du ‘momentané’,
du présent. L’énergie utilisée à vouloir tenir/fixer les choses produit
un immense fichier mental sur soi et sur les autres. Et ensuite l’on
doit recourir à d’innombrables outils pour analyser et traiter tout cela.
Mais si nous laissons le blocage nous amener à notre limite, cela
devient alors difficile de poursuivre cette démarche jusqu’au bout parce
que la limite de notre soi individuel est un endroit où nous ne sommes
pas capables de produire une stratégie cohérente et convaincante qui
puisse nous maintenir à flot. Nous pouvons devenir déstabilisés,
irrationnels et irritables. Cet état de fait constitue tout à la fois le
péril du blocage mais aussi son avantage potentiel si l’on arrive à
négocier avec. Son énigme est bien sûr que ‘C’est quelque chose avec
lequel je n’arrive pas à négocier dans mon mode de fonctionnement
habituel. Si je pouvais y arriver, je ne serais pas coincé !’ Si cela
pouvait être fait par moi, cela ne serait pas ce qui va au-delà de moi.
Ce qui est requis est un changement de direction et un changement
d’énergie. Ensuite il peut y avoir une ouverture sur quelque chose de
plus grand, de meilleur, de plus illimité que nos mécanismes propres. Et
dans ce processus, nous devenons nous-mêmes plus grands et en paix.
C’est un
changement d’énergie. Nous nous intéressons normalement à diriger notre
pratique spirituelle : nous visons à, nous nous engageons, nous faisons,
nous ramassons, nous mettons des choses de côté - nous passons donc
beaucoup de notre temps à diriger et à faire évoluer notre propre
pratique. Ceci est bien entendu essentiel pour attiser une sorte
d’ardeur ainsi que pour tempérer et affiner notre intention. Nous
pouvons utiliser plusieurs formes de pratique du Dhamma – comme la
méditation, le service, la renonciation - qui servent tant à nous
sensibiliser à cette énergie investie à figer les choses qu’à la contrer.
Ces pratiques produisent toutes de l’ardeur, de la foi, de l’engagement
et de l’énergie. Elles établissent le contexte de bonté qui nous permet
de passer à travers et cela même lorsque nos propres efforts
s’effondrent et que nous n’arrivons pas à nous faire avancer par
nous-mêmes. Ainsi vous êtes arrivés à un endroit de blocage ; et cela
requiert vraiment un lâcher-prise de l’action à remplacer par le fait de
juste faire confiance; de porter l’attention à la vertu et de prendre
refuge dans notre propre intégrité. Plutôt que de faire marche arrière
ou de se pousser en avant ou encore de s’éparpiller dans un transfert
quel qu’il soit. Les pratiques préliminaires préparent le terrain et
plantent la graine. Ensuite, nous nous recueillons dans les qualités du
Dhamma qui s’épanouissent en nous sous forme d’une nouvelle croissance.
Les facteurs
bloquants sont hautement émotionnels et l’émotion est crédible. Ce qui
est émotif a de l’énergie, captive et convainc par son pouvoir d’évoquer,
de stimuler et d’inciter à la fabulation mentale. Mais cette émotion -
ce qu’elle produit et accumule - et ce qui est ainsi accumulé -
deviennent à la longue figés dans leur propre intensité. Ensuite nous
pouvons nous rendre compte, qu’en dessous de ces convictions et de ces
histoires, nous ne sommes pas « branchés ». Nous ne sommes pas dans le
moment présent, nous portons beaucoup de choses, nous devenons lourds,
nous commençons à nous figer ou à figer le contexte en quelque chose de
maladroit. Alors il y a lieu d’enquêter : quelle est la voix derrière
l’émotion ? De qui ou de quoi s’agit-il? Cela peut nous permettre de
nous rendre compte de ce par quoi le mental est affecté. Nous commençons
à percevoir et à reconnaître ce ‘soi personnel’ comme un parmi d’autres
‘soi personnel’. Quand nous commençons à discerner ce ‘soi personnel’
comme un simple objet du mental, une étape est franchie puisque c’est
dans cette perspective qu’il faut pratiquer. Ce sujet, cette personne,
devient alors notre thème de méditation. La méditation classique pour
détendre l’énergie qui produit le ‘soi personnel’ est brahmavihara : la
conscience est absorbée dans le fait de développer et d’approfondir une
empathie de soutien et ledit ‘soi personnel’ est placé dans un cadre où
on lui souhaite du bien tout en reconnaissant qu’il souffre. Il y a là
un changement dans l’intention et dans l’énergie.
De cette façon,
nous changeons notre façon de nous connecter. Nous n’essayons pas de
changer notre soi apparent ou manifeste ou même de le comprendre, mais
nous l’utilisons comme centre de référence autour duquel nous
établissons la sphère brahmavihara de bonté aimante et la sphère de
compassion. Il y a de l’espace pour nous relier à notre impuissance ou à
notre méchanceté. Parce que nous voulons purement et simplement offrir
bonté et compassion.
Une autre
ressource est de tenir le blocage dans la dimension corporelle. Les deux
travaillent ensemble, à savoir la dimension corporelle et la dimension
de l’émotionnel, de l’émotivité. Avec le blocage, vous pouvez ressentir
de la tension dans le corps, des perturbations dans l’énergie du corps
ou encore une perturbation plus viscérale ou plus physique que cela.
Apprenez à vous asseoir et à passer en revue votre corps avec attention
et plus particulièrement à vous ouvrir. Le blocage détient un pouvoir
magnétique, un pouvoir d’engluer. Le corps peut devenir rigide. Ou vous
pouvez vous sentir attirés vers le haut dans la tête, le ventre noué, ou
perdus quelque part ; des parties de votre corps disparaissent du champ
de votre conscience et d’autres endroits deviennent perçus intensément.
Essayez alors d’opérer un " balayage " du corps avec attention, comme si
vous vouliez rendre la sphère du corps un bon endroit où l’énergie
collante puisse se poser. Plutôt que de vouloir s’en débarrasser,
trouvez un endroit pour placer cette énigme, rendez l’espace de la
sphère corporelle plus grande.
Coller et
s’agripper nous mettent sous tension et nous rétrécissent. Soyez donc
plus vastes que tout cela. L’impact sensoriel, l’isolation et les
expériences de relations généralement affligeantes nous incitent à
demeurer confinés derrière la barrière de la peau : c’est ainsi que
surgit le point de vue que nous sommes dans ce corps. Lors d’une
retraite, nous pouvons souhaiter rentrer plus avant en nous-mêmes, mais
l’attention portée au corps doit être pratiquée ‘à l’intérieur et à
l’extérieur’ : on peut ressentir le corps tant comme une entité
subjective que comme une chose existante sensible et dépendante du
contexte extérieur. L’expérience du corps sur lequel il faut porter
l’attention s’appelle l’incarnation. La conscience incarnée ne se situe
pas à l’intérieur du corps physique, c’est le corps physique qui se
situe dans la conscience incarnée. Nous pourrions qualifier la
conscience incarnée de sensibilité qui tourne autour de la forme
physique, notre sensibilité allant au-delà de l’épiderme. Cela doit être
ainsi ou alors la corps physique ne pourrait pas s’accorder avec son
environnement sans continuellement toucher les choses. Et lorsque nous
devenons affligés ou blessés, nous nous contractons, nous retirons notre
sensibilité, nous nous coupons de l’extérieur et nous montons dans notre
tête. Le résultat est une rétraction de la conscience en un état
d’engourdissement qui chez certains peut devenir habituel. Beaucoup de
gens vivent comme cela la plupart du temps. Le corps devient engourdi et
maladroit, il perd sa grâce ; les attitudes mentales et les émotions se
paralysent. Les gens deviennent rigides, incapables de voir les choses
juste comme "ceci ou cela" ; la pensée latérale, l’aptitude à jouer, à
regarder autour de soi ou d’être ouverts et spacieux – toute cette
souplesse et cette agilité sortent du champ de la conscience. C’est
pourquoi ramener la sensibilité complète au corps est utile parce que la
conscience mentale répond de l’expérience somatique.
Lorsque notre
conscience peut accéder complètement au corps physique, nous pouvons
alors reconnaître quand le stress se manifeste sur le plan physique.
Dans l’attention portée au corps, il est important de veiller plus
particulièrement aux articulations où il y a encore de l’espace qui peut
se perdre. L’élément d’espace dans le corps a trait, avant tout, aux
petits espaces entre les articulations et les tissus. Lorsque nous
devenons tendus, il y a la tendance que tout ceci se contracte. Dans ce
cas, ouvrez les mains, détendez les bras du corps, ouvrez les épaules,
détendez les mâchoires qui ont tendance à se contracter, ouvrer
l’endroit entre le crâne et le cou qui a tendance à se fermer, à se
bloquer. Agrandissez et ouvrez votre corps délibérément de telle sorte
que davantage d’énergie puisse circuler. Des états émotionnels et
cognitifs vont s’ensuivre : il peut y avoir un relâchement ou de la
compassion ou encore de la clarté lorsque vous débloquez votre corps. Le
corps sert de terrain pour travailler sur des endroits difficiles et
tendus : parce qu’il est conscient et en cela il se relie à la
conscience qui se manifeste dans l’esprit.
Dans la sphère de
la bonté aimante et de la compassion, et dans la sphère du corps ouvert,
les choses deviennent légères et libres. On est capable de vérifier le
processus de pensée, de le ralentir ou de l’analyser. Ainsi, l’intention
qui engendre le blocage peut se transformer. Maintenant, il se peut que
l’on se soit engagé envers certains buts, envers certaines aspirations.
Le problème est que nous engendrons et que nous dirigeons l’intention –
ce qui joue un rôle majeur dans la pratique du Dhamma – mais que la
qualité de la volonté porte en elle ses aspects maladifs ou de détresse.
C’est-à-dire notre impatience, nos besoins de succès, d’idéaux et
d’excellence accompagnent notre aspiration sincère. En tant qu’êtres non
éveillés nous ne nous rendons pas compte que le Dhamma se dévoile au fur
et à mesure comme un processus allant vers le ‘non soi’ plutôt que comme
une réussite personnelle. Et ce que l’endroit de blocage représente
vraiment, c’est la fin de notre capacité d’aller de l’avant, de faire
marcher nos stratégies d’adaptation. Mais lorsque nous arrivons à cet
endroit de blocage, nous ne pouvons plus utiliser notre volonté de la
même manière. Notre intention doit être redirigée sur le fait d’être
présent avec la façon dont la situation se présente ici et maintenant :
‘les émotions dans les émotions, le mental dans le mental’ comme le
Bouddha l’a exprimé. Etonnement, dans cet état de contemplation non
agissante, nous reconnaissons que l’attention est en elle-même une
activité utilisatrice d’énergie.
L’attention est
normalement quelque chose qui est tellement dirigée par la volonté que
nous ne reconnaissons pas que le fait qu’être attentif requière de
l’énergie : il en faut pour s’occuper de quelque chose, pour l’écouter
et pour se concentrer dessus. L’attention est quelque chose qui bouge
autour d’un objet ; elle le scrute, le passe au-dessus, le recouvre
n’est-ce pas ? Regardez ce morceau de bois et pensez à quelque chose,
écoutez quelque chose, comment cela se développe d’un moment à l’autre ?
Lorsque vous écoutez quelque chose, comment cette expérience
évolue-t-elle d’un moment à l’autre ? Quelque chose se produit, n’est-ce
pas ? Comment voyez-vous de nouvelles facettes en quelque chose ? Vous
la regardez de cette façon-ci et de cette façon-là. Vous adoucissez
votre attention ; l’attention s’avance et scrute autour – ‘Ah, cela est
intéressant’. L’attention a son propre mouvement. C’est sankhara, c’est
donc une énergie active, et, dans un endroit bloqué, c’est l’attention
qui nous aide, plutôt que le souhait de s’en sortir ou le souhait de le
comprendre. Il convient de s’en occuper, d’y donner sa pleine attention,
de le sentir, de l’écouter, de le retourner jusqu’à ce que nous sortions
de cet état de paralysie, de cette hostilité ou de ce schéma de
comportement réactif nous incitant à perpétuellement essayer de faire
quelque chose pour que cela change. A la limite de notre capacité de
produire et de faire, l’attention pure doit prendre la relève : il faut
juste prêter une pleine et entière attention.
Et en prêtant
notre attention, nous découvrons peut-être de nouvelles facettes à
l’expérience, à cet état complexe, et nous pouvons aussi être simplement
attentifs au fait d’être attentif. L’état peut être celui de l’agitation,
de la peur ou de l’incertitude, et il est possible que nous ayons toutes
sortes d’histoires à y associer. Lorsque nous portons notre attention à
cet état, nous pouvons constater qu’il peut y avoir des sensations de
chaleur liée à l’émotivité ou du mouvement, des symptômes physiques et
des processus de pensée qui se manifestent en association avec l’endroit
de blocage. Et de les reconnaître comme des phénomènes qui n’engluent
pas. Il y là une forme d’enseignement. Mais si vous continuez à prêter
attention et à lâcher prise, vous arriverez à l’état de la conscience
pure. Cette conscience est comme un savoir calme qui ne juge pas, qui ne
fait pas agir. C’est comme le sens spacieux de l’espace. L’endroit de
blocage, l’expérience complexe est à ce stade vécu comme un dhamma,
juste un canevas. C’est un canevas qui fait partie d’un plus grand
canevas que j’appelle le ‘soi personnel’. Mais lorsqu’il est perçu comme
un canevas, le ‘soi individuel’ en est ainsi ôté et cela se débloque –
et il y a une ouverture sur un endroit qui est conjointement de non soi
tout en étant intime et emphatique.
C’est ainsi que ce
paradigme ou cette situation fâcheuse de blocage constitue un passage
obligé pour enrayer l’orgueil ‘Je suis’ ou ‘Vous êtes’ ou ‘Je ne suis
pas’ ou tous les jugements de valeur qui se manifestent. Tout ce ‘soi
personnel’ est un assemblage de dhammas qui surgissent puis retombent.
Le blocage et la saisie peuvent nous amener au-delà – si nous pouvons
les ressentir et les traiter avec attention.
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