Aṅguttara Nikāya

55. A propos de Sona

J'ai entendu qu'en une occasion le Béni du Ciel demeurait près de Rajagaha, sur le Pic du Vautour. Et à cette occasion le Vén. Sona demeurait près de Rajagaha dans le Frais Bois. Alors, comme le Vén. Sona était en train de méditer dans l'isolement [après avoir pratiqué la méditation marchée jusqu'à ce que la peau de la plante de ses pieds fut fendue et en train de saigner], ce train de pensées surgit dans sa conscience: «De ceux des disciples du Béni du Ciel qui ont suscité leur persistance, j'en fais partie, mais mon esprit n'est pas libéré des écoulements par manque d'attachement/d'alimentation. Or, ma famille possède suffisamment de richesses pour qu'il soit possible de profiter de ces richesses et obtenir des mérites. Et si je désavouais l'entraînement, si je retournais à la vie inférieure, profitais des richesses, et obtenais des mérites?»

Alors le Béni du Ciel, dès qu'il perçut avec sa conscience ce train de pensées dans la conscience du Vén. Sona—comme un homme fort pourrait étendre son bras plié ou plier son bras étendu—disparut du Pic du Vautour, apparut dans le Frais Bois juste en face du Vén. Sona, et s'assit sur un siège préparé [à son intention]. Le Vén. Sona, après s'être incliné devant le Béni du Ciel, s'assit d'un côté. Une fois assis là, le Béni du Ciel lui dit, «Juste à l'instant, comme tu étais en train de méditer dans l'isolement, ce train de pensées n'est-il pas apparu à ta conscience: › De ceux des disciples du Béni du Ciel qui ont suscité leur persistance, j'en fais partie, mais mon esprit n'est pas libéré des écoulements… Et si je désavouais l'entraînement, si je retournais à la vie inférieure, profitais des richesses, et obtenais des mérites?›»

«Oui, seigneur.»

«Or qu'en penses-tu, Sona. Auparavant, quand tu habitais la maison, étais-tu habile à jouer le vina?»

«Oui, seigneur.»

«Et qu'en penses-tu: quand les cordes de ton vina étaient trop tendues, ton vina était-il accordé et jouable?»

«Non, seigneur.»

«Et qu'en penses-tu: quand les cordes de ton vina étaient trop détendues, ton vina était-il accordé et jouable?»

«Non, seigneur.»

«Et qu'en penses-tu: quand les cordes de ton vina étaient ni trop tendues ni trop détendues, mais accordées (litt: ‹établies›) juste au diapason, ton vina était-il accordé et jouable?»

«Oui, seigneur.»

«De la même façon, Sona, la persistance trop excitée conduit à l'agitation, la persistance trop relâchée conduit à la paresse. C'est ainsi que tu devrais déterminer le bon diapason pour ta persistance, accorder (‹pénétrer,› ‹dénicher›) [dessus] le diapason des [cinq] facultés, et là cueillir ton thème.»

«Oui, seigneur,» le Vén. Sona répondit au Béni du Ciel. Alors, ayant donné cette exhortation au Vén. Sona, le Béni du Ciel—comme un homme fort pourrait étendre son bras plié ou plier son bras étendu—disparut du Frais Bois et apparut sur le Pic du Vautour.

Donc, après cela, le Vén. Sona détermina [quel était] le bon diapason pour sa persistance, accorda sur ce diapason ses [cinq] facultés, et là cueillit son thème. Demeurant seul, isolé, attentif, ardent, et résolu, en très peu de temps il atteignit et demeura dans le suprême but de la vie sainte pour lequel les hommes de clan à bon droit quittent le foyer pour le sans-domicile fixe, le sachant et le réalisant par lui-même dans l› ici et maintenant. Il sut que: «La naissance est terminée, la vie sainte réalisée, la tâche accomplie. Il n'y a rien de plus en ce qui concerne ce monde.» Et c'est ainsi que le Vén. Sona devint un autre des Arahants.

Alors, ayant atteint l'état d'arahant, cette pensée vint au Vén. Sona: «Et si j'allais voir le Béni du Ciel et, qu'en arrivant, je déclarais la connaissance en sa présence?» Il alla donc voir le Béni du Ciel et en arrivant, s'étant incliné devant lui, s'assit d'un côté. Une fois assis là il dit au Béni du Ciel: « Lorsqu› un moine est un arahant, ayant mis fin à ses les fermentations, ayant atteint la réalisation, accompli la tâche, déposé le fardeau, atteint le vrai but, totalement détruit les chaînes du devenir, et est libéré à cause de la connaissance correcte, il se dédie à six choses: le renoncement, l'isolement, l'impassibilité, la fin de la soif insatiable, la fin des attachements/alimentation, et la non-illusion.

«Or il peut arriver à un vénérable de penser, ‹C'est peut-être entièrement par conviction que ce vénérable se dédie au renoncement,› mais il ne faudrait pas le voir de cette façon. Le moine dont les fermentations ont pris fin, ayant réalisé [la vie sainte], ne voit en lui-même rien de plus à faire, ou rien de plus à ajouter à ce qu'il a fait. C'est à cause de la fin de la passion, parce qu'il est libre de passion, qu'il se dédie au renoncement. C'est à cause de la fin de l'aversion, parce qu'il est libre d'aversion, qu'il se dédie au renoncement. C'est à cause de la fin de l'illusion, parce qu'il est libre d'illusion, qu'il se dédie au renoncement.

«Or il peut arriver à un vénérable de penser, ‹C'est peut-être parce qu'il désire gains, honneurs, et gloire que ce vénérable se dédie à l'isolement›… ‹C'est peut-être parce qu'il retombe dans l'attachement aux préceptes et aux pratiques comme étant essentiels qu'il se dédie à l'impassibilité,› mais il ne faudrait pas le voir de cette façon. Le moine dont les fermentations ont pris fin, ayant réalisé [la vie sainte], ne voit en lui-même rien de plus à faire, ou rien de plus à ajouter à ce qu'il a fait. C'est à cause de la fin de la passion, parce qu'il est libre de passion, qu'il se dédie à l'impassibilité. C'est à cause de la fin de l'aversion, parce qu'il est libre d'aversion, qu'il se dédie à l'impassibilité. C'est à cause de la fin de l'illusion, parce qu'il est libre d'illusion, qu'il se dédie à l'impassibilité.

«C'est à cause de la fin de la passion, parce qu'il est libre de passion… à cause de la fin de l'aversion, parce qu'il est libre d'aversion… à cause de la fin de l'illusion, parce qu'il est libre d'illusion, qu'il se dédie à la fin de la soif insatiable… la fin des attachements/alimentation… la non-illusion.

«Même si de puissantes formes connaissables par l'oeil entraient dans le champ de vision d'un moine dont l'esprit est ainsi à bon droit libéré, son esprit ne serait ni écrasé ni même engagé. Restant immobile, ayant atteint l'imperturbabilité, il se concentrerait sur leur disparition. Et même si de puissants sons… arômes… saveurs… sensations tactiles… Même si de puissantes idées connaissables par l'intellect entraient dans le champ mental d'un moine dont l'esprit est ainsi à bon droit libéré, son esprit n'en serait ni écrasé ni même engagé. Restant immobile, ayant atteint l'imperturbabilité, il se concentrerait sur leur disparition.

« Tout comme si il y avait là une montagne de roche—sans fentes, sans fissures, une seule masse solide—et qu'alors arrivait de l'est une puissante tempête de vent et de pluie: la montagne ne frissonnerait pas, ne frémirait pas et ne tremblerait pas. Et qu'alors de l'ouest… du nord… du sud arrivait une puissante tempête de vent et de pluie: la montagne ne frissonnerait pas, ne frémirait pas et ne tremblerait pas. De la même façon, même si de puissantes formes connaissables par l'oeil entraient dans le champ de vision d'un moine dont l'esprit est ainsi à bon droit libéré, son esprit ne serait ni écrasé ni même engagé. Restant immobile, ayant atteint l'imperturbabilité, il se concentrerait sur leur disparition. Et même si de puissants sons… arômes… saveurs… sensations tactiles… Même si de puissantes idées connaissables par l'intellect entraient dans le champ mental d'un moine dont l'esprit serait ainsi à bon droit libéré, son esprit n'en serait ni écrasé ni même engagé. Restant immobile, ayant atteint l'imperturbabilité, il se concentrerait sur leur disparition.»

Lorsque la conscience se dédie
au renoncement, à l'isolement,
à l'impassibilité, à la fin des attachements,
la fin de la soif insatiable, et à la non-illusion,
en voyant surgir les moyens des sens,
l'esprit est à bon droit libéré.
Pour ce moine, à bon droit libéré,
son coeur en paix,
il n'y a plus rien à faire,
rien à ajouter à ce qui est fait.
Comme une masse unique de pierre n'est pas déplacée par le vent,
de même toutes les formes, les saveurs, les sons,
les arômes, les contacts,
les idées désirables ou non,
non aucun effet sur celui qui est Tel.
L'esprit—immobile, totalement libéré—
se concentre sur leur disparition.